Sous ce titre aussi sobre qu’intimidant, la conférence du 24 mars 2015 nous a donné la joie d’écouter Marie-France Callu, maître de conférences en droit des Universités, directrice adjointe de l’IFROSS.
Les débats contemporains autour de la fin de vie, de l’euthanasie, des soins palliatifs, etc., sont souvent passionnés. Ils mobilisent nos affects les plus profonds, et résonnent souvent avec des expériences personnelles violentes ou douloureuses.
C’est pourquoi le détour par le droit permet de mieux comprendre comment notre société fait face à la vie et à la mort, et de quelles ressources techniques nous disposons pour, au moins, saisir les enjeux juridiques, les limites et les possibilités de l’action du législateur. Occasion d’une instructive et limpide plongée dans un domaine qui s’est révélé étonnamment riche et, pour autant, porteur de nombreuses questions.
Marie-France Callu nous a rappelé que le droit « travaille avec des qualifications », mais qu’il ne définit pas la vie ni la mort. Il opère à partir d’une classification binaire : les personnes, les choses.
Le statut de personne est possédé entre la naissance, « vivant et viable », et la mort. La notion de « mort civile », où une personne vivante est dépouillée de tous ses droits, a disparu du code en 1854. On ne peut plus, désormais, être à la fois physiquement vivant et juridiquement mort.
Jusque tout récemment, les enfants morts-nés étaient privés de personnalité juridique.
Avec la mort on cesse d’être une personne juridique : « le mort saisit le vif », suivant le vieil adage à propos de la transmission des biens. Dans certains cas exceptionnels, il est possible de se marier avec un mort, lorsque le mariage aurait dû avoir lieu. Ce mariage n’a cependant que des conséquences symboliques.
Avec la loi dite « Léonetti » (2005), la notion de « fin de vie » entre dans le droit. Elle décrit une période intermédiaire, mais la loi s’interdit de déterminer le moment où commence la fin de vie. N’oublions pas, par exemple, que 30% des personnes sortent vivants des services de soins palliatifs.
M.-F. Callu a rappelé les principales dispositions de la loi Léonetti, en soulignant l’importance des « directives anticipées », et en faisant ressortir les nombreuses questions délicates soulevées par les procédures mises en place.
Le droit ne définit pas la mort : mais il prévoit qu’elle doit être constatée : un certificat médical est requis pour la fermeture du cercueil. Ici intervient le problème du prélèvement d’organe, autour de la question de la mort cérébrale et, depuis 1995, de la possibilité d’interrompre un traitement pour permettre un prélèvement d’organe.
Un cas complexe et souvent étonnant : lorsqu’on constate l’absence de cadavre. S’agit-il d’une absence, ou d’une disparition. L’absence peut juridiquement durer jusqu’à 10 ans, avant que le sujet ne soit déclaré officiellement mort. La disparition se définit par l’absence du corps et la forte probabilité d’un décès.
Le cadavre a un statut. Avant l’enterrement, il est encore parmi nous. A-t-il encore droit à la vie privée ? Le cas s’est posé à la mort de la grande comédienne Rachel ($$$), dont des photos du cadavre avaient été diffusées. Les juges décidèrent que la vie privée se maintenait.
On ne peut faire ce qu’on veut avec le corps. En cas d’incinération, le partage des cendres est interdit, de même qu’il est interdit de conserver à la maison une urne funéraire.
À qui appartient le corps qui n’a plus de descendants ? La question se pose notamment pour des restes humains conservés dans des musées. Ceux-ci, depuis le xvie siècle, appartiennent à l’État, et les biens de l’État sont inaliénables… Oui, mais ces dépouilles sont-elles de simples « biens » ? Le cas de la Vénus hottentote et, plus récemment, des têtes maori, montre qu’il est parfois nécessaire de trouver des compromis, et de reconnaître qu’un corps humain n’est jamais, même mort, une simple chose. Il peut posséder une valeur religieuse, culturelle, symbolique, qui pose des limites à son exploitation.